Recalé à 18 ans, capitaine à 28, auteur du triplé à 45 : Luis Enrique, c’est une histoire de vrai Barcelonais
Même s’il est né dans les Asturies, l’actuel entraîneur du PSG a vécu beaucoup de choses avec le club catalan. Récit.
- Publié le 16-04-2024 à 10h39
“Qui représente le mieux l’ADN du Barça ? Sans aucun doute moi. Ce n’est pas une opinion. Regarde les données, la possession du ballon, les occasions de but, le pressing haut, regarde les trophées, les titres, sans aucun doute moi. Tu peux avoir une autre opinion, mais sans aucun doute moi.”
Le regard est dur. Le ton sec. Avec ses mots qui claquent prononcés sans ironie aucune, mais avec force et détermination. Ainsi va Luis Enrique, qui a transformé une banale en conférence de presse d’avant-match il y a une semaine en une tribune commémorant le lien indéfectible qu’il entretient avec son adversaire en quart de finale.
Comment comprendre cet attachement à un club pourtant éloigné de près de 900 kilomètres de ses Asturies natales et qui l’a pourtant recalé au moment de signer pro parce qu’il en avait trop peu fait lors d’un essai à 18 ans, ce qui paraît difficile à concevoir aujourd’hui vu le goût du travail du personnage ? La réponse est à la fois simple et complexe. À l’image de la trajectoire de ce fils d’un camionneur et d’une couturière qui a grandi dans un quartier ouvrier de Gijon. En 1991, alors que Johan Cruyff est pourtant tombé sous son charme, il ne rallie pas le Barça, avec qui son président s’était pourtant mis oralement d’accord, mais Madrid et son Real qui lève alors la clause libératoire du cinquième meilleur buteur du championnat. En multipliant au passage son salaire par dix. Justification de l’intéressé : “Signer au Real est un rêve. J’ai étudié toutes les offres. Celle qui m’intéressait le plus était celle du Real. Depuis le début, c’était assez clair que je pouvais jouer ici.”
Cinq saisons et 150 matchs plus loin, le rêve se termine après une saison cauchemardesque pour lui et le Real quand il signe à Barcelone. Avec fracas naturellement. Celui de l’appareil photo du reporter de Marca, qui se retrouve balancé au sol par le joueur, qui n’a que peu goûté la présence du journaliste à la clinique où il passe sa visite médicale, dans ce qui marque le point de départ de sa relation chahutée avec les médias. Le tout alors que le championnat n’était pas terminé. Et que lui l’assure : “Je démens m’être engagé avec le Barça et que mes examens médicaux aient été pour ce club. Je suis venu à l’hôpital car j’ai contracté une assurance-vie que me demandait mon agent. Je suis un joueur du Real et je veux continuer à l’être.” Il ne le sera plus et l’avouera plus tard, en 2014 : “J’ai toujours été du Barça. D’abord du Sporting, puis du Barça. Après être parti de Madrid, j’ai appelé mon frère, un fan invétéré du Barça depuis l’enfance, et je lui ai dit maintenant, on va profiter.”
Lui qui avait remporté les JO en 1992 dans la capitale catalane est vite devenu le chouchou du Camp Nou avec son investissement sans failles et sa polyvalence. Proche de Figo, de Nadal et surtout d’Abelardo qu’il connaît depuis Gijon, il a au final passé les huit dernières années de sa vie de joueur dans une ville où il a rencontré sa femme, Elena. Et en 2008, quatre ans après sa retraite, il a logiquement débuté sa carrière d’entraîneur en réserve après avoir décroché son diplôme avec Pep Guardiola.
Son bilan ? Une montée en D2 et une troisième place avant de s’en aller à la Roma en 2011. Pour mieux revenir. Pas à l’été 2013, malgré une première approche, mais sur insistance de Lionel Messi, Gerardo Martino lui est préféré. Il revient un an plus tard après un passage au Celta Vigo. Encore une fois avec fracas. Avec aussi cette brouille avec la Pulga. En janvier 2015, le torchon brûle entre l’Argentin, lassé de ne pas pouvoir Enrique siffler des fautes sur lui à l’entraînement, et l’exigeant technicien. Jusqu’à voir l’attaquant sur le banc lors d’un déplacement à Anoeta. Au final, capitaine pourtant au crépuscule, Xavi, qu’Enrique était parvenu à convaincre de ne pas raccrocher, a fini par jouer les intermédiaires, entraînant tout le vestiaire dans son sillage sur le chemin d’un second triplé. Beau joueur, Messi l’a reconnu : “Sans Enrique, on n'y serait jamais arrivé.”
S'ils m'éliminent, j'aurai été éliminé par mon équipe.
Architecte de la MSN quand l’Argentin aurait préféré qu’Agüero ne vienne à la place de Suarez, Enrique, avec son jeu nettement plus vertical, est aussi resté comme l’homme de la remontada lors de sa troisième et dernière saison en Catalogne. L’un des derniers grands frissons de l’histoire du Barça en Ligue des champions. De son Barça. Parce que lui ne s’en cachait pas lors de sa dernière session de Twitch : “La bonne chose dans le fait d’affronter le Barça en quarts, c’est que s’ils m’éliminent, j’aurai été éliminé par mon équipe.”