J-100« Je voulais être maître de mon projet », explique Romain Cannone

JO Paris 2024 : « Je voulais être maître de mon projet », explique le champion olympique Romain Cannone

J-100Médaillé d’or à l’épée à Tokyo, l’escrimeur ne regrette pas d’avoir poussé pour évincer l’entraîneur des Bleus Hugues Obry, avec qui les tensions étaient vives. Il se projette désormais dans la défense de son titre à Paris
Romain Cannone au retour de sa médaille d'or aux JO de Tokyo, le 1er août 2021 à Paris.
Romain Cannone au retour de sa médaille d'or aux JO de Tokyo, le 1er août 2021 à Paris.  - CHRISTOPHE SAIDI/SIPA / SIPA
Nicolas Camus

Propos recueillis par Nicolas Camus

L'essentiel

  • Après des mois difficiles, pendant lesquels il a bataillé avec ses collègues de l’équipe de France pour évincer l’entraîneur Hugues Obry, Romain Cannone s’est offert « une bouffée d’air » en remportant une manche de Coupe du monde à Tbilissi, en mars.
  • Nous l’avons rencontré fin mars à Liévin, où il participait à un événement organisé par un de ses sponsors, pour évoquer cette situation complexe et ces prochaines semaines qui doivent l’amener aux JO de Paris.
  • Si tout n’est pas encore réglé avec sa Fédération, loin s’en faut, le champion olympique de Tokyo assure faire avec et n’a plus désormais que la défense de ton titre l’été prochain en tête.

Ce jeudi-là de la fin du mois de mars, Romain Cannone a l’esprit léger. Tout sourire, le champion olympique de Tokyo à l’épée s’essaie au milieu d’une bonne centaine d’étudiants au paratriathlon, à l’occasion d’un événement organisé par l’un de ses sponsors, EDF, à Liévin (Hauts-de-France). Le week-end précédent, il avait remporté sa première victoire individuelle de la saison en Coupe du monde à Tbilissi.

Une libération, après des mois de tension entre les épéistes et leur manager général Hugues Obry, qui avaient poussé Cannone et ses équipiers Yannick Borel et Alexandre Bardenet à quitter l’Insep pour s’entraîner de leur côté. Obry a finalement été débarqué tout début mars, et si les escrimeurs n’ont pas (encore ?) réintégré le giron fédéral, la situation semble un peu apaisée. Il était temps, alors qu’arrivent à grands pas les JO de Paris, où les escrimeurs français ne visent rien d’autre que l’or.

On est à un peu moins de quatre mois des JO désormais… Pas trop de mal à en prendre conscience ?

On sent que ça arrive vite maintenant. Je m’en rends compte avec mon calendrier, il ne reste plus que deux manches de Coupe du monde [Cali le 3 mai puis Saint-Maur le 17 mai] pour se qualifier. On sent la tension un peu partout, entre ceux qui ont fait une bonne saison, ceux qui ne sont pas loin, ceux qui ont pris du retard… Tout ça donne une ambiance particulière. Après, on essaie de faire abstraction de tout ce qui sort sur Paris parce qu’il y a trop de choses, ça va mettre une pression inutile. On a besoin de la pression pour réussir, mais elle sera là naturellement le jour-J, pas besoin d’en rajouter.

Est-ce que ces trois ans depuis votre titre à Tokyo ont passé vite ?

Super vite ! Et à la fois, une saison c’est long et épuisant. Après mon titre olympique, j’ai fait champion du monde et ça n’a pas été simple de se remotiver derrière. Pourtant, l’objectif Paris 2024 n’avait pas bougé, il était toujours là, mais chaque saison est si intense qu’il faut trouver en soi de quoi puiser pour avancer, toujours. Mais quand je regarde ces trois ans, je me dis que c’est passé à la vitesse de l’éclair.

Etes-vous dans les temps de passage voulus dans votre préparation ?

On enchaîne pas mal de compétitions en ce moment, c’est bien, ça permet de faire des réglages. Moi il m’en reste deux, il faut que je fasse très bien, pour ma confiance, me dire que j’ai fait un bon boulot. Le plus dur, ce n’est pas le travail de fond, ce sont les petits réglages jusqu’aux Jeux.

Etes-vous revenu vous entraîner à l’Insep ?

Non.

Vous allez y revenir ?

C’est en négociations, on va dire. Pour l’instant, depuis septembre, c’est Saint-Maur. J’y revenais une fois, le jeudi, où je faisais la séance d’assauts. Parce qu’il y a quand même une équipe. Moi, mes meilleurs amis, ils sont en équipe en France, ils font partie du groupe à l’Insep. Je suis triste de les avoir quittés, ce n’est pas ce que je souhaitais.

La victoire à Tbilissi, après ces mois difficiles, c’est un soulagement ?

C’est exactement ça. Une bouffée d’air, sur mon projet, me dire que je travaille bien, que j’ai toujours cette capacité à gagner. Le dire aux médias, aux sponsors, c’est une chose, mais se le prouver c’en est une autre. Ça m’a fait beaucoup de bien à la tête, au moral, et ça me donne de l’énergie pour retourner m’entraîner.

Est-ce qu’elle signifie aussi que les choses s’améliorent avec votre Fédération ?

J’utilise mon joker sur celle-ci (sourire).

Plus globalement, cette situation est-elle un surplus de motivation, pour montrer que vous êtes le meilleur malgré tout, ou est-ce que c’est pesant ?

Peu importe la situation en fait, ce qui est sur ton chemin, et c’est ça qui est super dans le sport, d’ailleurs. Pour arriver au plus haut niveau, tout le monde a eu des trous sur sa route, et ce qui fait les grands champions c’est qu’ils ne s’arrêtent pas. Je suis dans cet esprit-là. Peu importe la situation, si elle s’améliore ou pas, moi mon objectif c’est d’avancer, de progresser. Et ça, ça doit venir de toi, personne ne peut te l’amener.

Avec Yannick Borel et Alexandre Bardenet, vous avez trouvé un fonctionnement jusqu’aux JO qui vous convient ?

(Il réfléchit longuement) Peut-être que ça va changer, peut-être pas. Peu importe en fait, on est trois athlètes à avoir constitué l’équipe de France ces trois dernières années, c’est nous qui avons fait des podiums pour la France. On reste dans cette philosophie, qu’importe ce qu’il se passe, nous on doit faire avec, avancer, avoir envie de gagner plus que tout autre chose, même si tout ne va pas au mieux. Moi j’arrive à faire abstraction de l’environnement extérieur pour performer. A Tbilissi, c’est un bon exemple pour moi.

Votre préparation pour les Jeux aura-t-elle été celle que vous vouliez ?

(Il hésite) Non, parce que si ça avait celle que je voulais depuis le début, je n’aurais pas eu à demander autant de réunions, on n’aurait moins perdu de temps sur certains points, qui m’ont fait remettre en question mon entraînement. Par contre c’est mon aventure, mon chemin, je voulais être maître de mon projet, et non pas subir quelque chose et derrière regretter de ne pas avoir pris les choses en main.

Est-ce que les mots de la présidente Brigitte Saint-Bonnet, qui a appelé à l’apaisement après votre prise de parole, vous ont rassuré ?

J’attends de voir comment les choses avancent.

Il n’y a rien eu de concret depuis ?

(Il fait non de la tête)

Etes-vous prêts à travailler avec Gauthier Grumier ?

Je pense qu’on est tous les trois prêts à travailler avec Gauthier, dans les bonnes conditions. Je ne veux pas parler pour tous, mais je pense que dans tous les cas, et c’est ce qu’on montre depuis le début, moi, Yanick et Alexandre on fait un, parce qu’on a le même objectif : s’entraîner ensemble, dur et de la bonne manière. Ce qui fait la force de l’équipe de France, c’est l’équipe. Le fait que Yannick, qui a fait plusieurs fois les Jeux, transmette son expérience, qu’Alexandre qui est plus jeune se donne à fond derrière toi et te pousse. Et pour revenir à la question de savoir si la situation est celle qu’on voulait, elle ne nous a pas permis de nous tirer vers le haut dès le départ, mais je souhaite que maintenant on puisse le faire jusqu’aux Jeux.

Y a-t-il une date à partir de laquelle vous direz « maintenant on ne change plus, on va jusqu’aux Jeux comme ça » ?

C’est un peu compliqué de répondre. Il faut que ce soit positif pour le futur, en tout cas.

Est-ce que vous aimeriez être porte-drapeau aux JO ?

Est-ce que j’y pense, non, mais est-ce que ce serait un honneur, carrément. Ce serait un privilège énorme. Je ne suis pas quelqu’un qui se met en avant, je ne me considère pas comme un grand leader, mais comme un athlète qui travaille très dur pour ses rêves. Si ça peut aider les autres, cette philosophie… On ne m’a jamais posé cette question, mais ça serait plus qu’un honneur. Vu mon histoire, mon aventure, ce serait une belle apothéose.

Vous devez vous porter candidat auprès de votre Fédération si vous voulez l’être…

Ah bon ? Ils ne m’ont pas trop tenu au courant de tout ça (sourire). Mais ce serait bien. Vous pouvez m’envoyer le lien ? (rires)

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