J-100Jeux d’influence entre Fédérations pour la désignation des porte-drapeaux

JO Paris 2024 : Jeux d’influence entre Fédérations pour la désignation des porte-drapeaux

J-100Cette année encore plus que pour les précédentes éditions des Jeux, la bataille s’annonce intense pour conduire la délégation française lors de la cérémonie d’ouverture
Florent Manaudou, Mélina Robert-Michon, Romane Dicko et Kevin Mayer (de g. à dr.) pourraient être porte-drapeaux de la délégation française lors de la cérémonie d'ouverture des JO de Paris, le 26 juillet 2024.
Florent Manaudou, Mélina Robert-Michon, Romane Dicko et Kevin Mayer (de g. à dr.) pourraient être porte-drapeaux de la délégation française lors de la cérémonie d'ouverture des JO de Paris, le 26 juillet 2024.  - Montage 20 Minutes / SIPA
Nicolas Camus

Nicolas Camus

L'essentiel

  • Depuis le 1er avril et jusqu’au 31 mai, les Fédérations peuvent envoyer au CNOSF les noms de deux athlètes (un homme et une femme) candidats pour le rôle de porte-drapeau lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux, le 26 juillet prochain à Paris.
  • Si certains grands noms ne peuvent postuler au vu des critères annoncés, d’autres sont d’ores et déjà candidats ou ont laissé entendre qu’ils étaient intéressés.
  • Du côté des Fédérations, on se dit prêts à aider ses champions et championnes, même si pour certaines l’échéance semble encore un peu lointaines.

Pour l’instant, on entend surtout ceux qui sont déçus de ne pas pouvoir l’être, ou que la fonction n’intéresse pas plus que ça. Rien d’anormal, la course pour être le ou la porte-drapeau de la délégation française lors de la cérémonie d’ouverture des JO de Paris ne fait que commencer. Les Fédérations ont jusqu’au 31 mai pour faire remonter les noms des athlètes candidats auprès du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), qui organisera ensuite le vote pour désigner les heureux élus – un homme et une femme.

Lobbying à deux vitesses ?

Il n’empêche qu’en coulisses, ça s’agite déjà. Etre porte-drapeau aux JO est perçu comme un honneur, une récompense symbolique de ses accomplissements pour le sport français, alors pour des Jeux à la maison, ce sentiment est décuplé. Il n’y a qu’à voir les réactions à l’annonce des critères érigés par le CNOSF, le mois dernier, pour se rendre compte à quel point le sujet peut être sensible. Certains grands noms n’ont pas caché leur déception, voire leur colère, à l’image de Clarisse Agbegnenou, qui ne peut y prétendre car elle a déjà rempli la fonction à Tokyo.

Exit aussi les athlètes qui n’ont jamais participé aux Jeux, comme Antoine Dupont ou Victor Wembanyama, et ceux qui ne répondent pas à des critères « d’exemplarité et de respect des valeurs olympiques », tels Nikola Karabatic, condamné en 2017 dans une affaire de paris. Si le triple champion olympique, plus grand palmarès du sport co français, a assuré ne pas en prendre ombrage, tout comme son président de Fédération Philippe Bana, d’autres s’en chargent pour lui. « Qu’il ne puisse pas l’être, je ne comprends vraiment pas, proteste le patron du judo, Stéphane Nomis. Un emblème comme lui… Même vu de chez nous, il est la figure du grand champion. Il a purgé sa peine il y a longtemps, c’est fini on passe à autre chose. »

Le président de la FFJ fait partie des dirigeants qui prennent ce sujet vraiment à cœur. Au-delà des critères édictés, qui mettent donc sur la touche Agbegnenou mais aussi Teddy Riner (porte-drapeau en 2016), il regrette le mode de scrutin. Cette année et pour la première fois, chacun des 560 à 565 athlètes qualifiés pourra voter. « A l’athlétisme ils en ont 70, nous on en a 14, illustre-t-il. L’idée est louable, mais à mon sens ça crée une injustice. Ce sera plus simple pour certains que pour d’autres de faire du lobbying. »

Factuellement, Stéphane Nomis n’a pas tort, mais l’on peut supposer que certaines candidatures transcendent les disciplines. Nikola Karabatic, par exemple, imaginerait bien Renaud Lavillenie ou Florent Manaudou dans le rôle. Le premier est dans les petits papiers de sa Fédé, au même titre que Kevin Mayer.

« Le problème est qu’ils n’ont pas encore leur qualification en poche, et ont donc d’autres priorités pour l’instant. On en discutera avec eux le moment voulu », observe le président André Giraud, qui a plus de certitudes concernant sa candidate. « Mélina Robert-Michon sort largement du lot. Elle va disputer ses septièmes Jeux [un record], elle a été médaillée, elle a 44 ans, est mère de deux enfants… C’est vraiment un symbole du sport féminin, elle le mériterait grandement. On l’aidera. » Le jeu d’influence a démarré.

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Concernant Manaudou, seul nageur français à avoir remporté trois médailles individuelles sur trois JO différents, il a fait savoir il y a quelques semaines déjà qu’il postulait, mais il ne compte pas non plus faire la tournée des popotes pour convaincre tout le monde. « Je n’aime pas du tout ça, a-t-il expliqué dans Ouest-France. Si les athlètes trouvent que j’incarne ces valeurs d’olympisme, d’abnégation et de dépassement de soi, c’est avec grand plaisir que je le ferai. Mais je ne ferai pas campagne. Mon objectif, c’est les JO. »

Un argument qui revient souvent, et pas seulement dans la bouche des sportifs. Leurs dirigeants sont également très attentifs à ce que cette élection n’empiète pas sur la préparation, ni sur la performance le jour-J. « J’échange le fait d’être porte-drapeau contre une médaille d’or », résume ainsi le DTN de la boxe, Mehdi Nichane. Lui dispose de deux candidats tout trouvés, Estelle Mossely et Sofiane Oumiha, médaillés à Rio et très respectés. Il les « appuiera » dans cette quête, en n’oubliant pas son « devoir de conseil » : « Il ne faut pas perdre de vue l’objectif prioritaire, qui est de performer. A courir plusieurs lièvres à la fois, ça peut être compliqué. Il y a le risque d’y laisser trop de jus et le payer plus tard en compétition. »

La question du timing par rapport à l’entrée en lice

Pas besoin de remonter bien loin pour trouver trace d’un porte-drapeau passé à côté, entre Jackson Richardson en 2004, Tony Estanguet en 2008 ou Laura Flessel en 2012. « Etre porte-drapeau aux JO, c’est le rêve de tous les sportifs. Donc ils vont aller au charbon à un moment donné pour défendre leur candidature, s’inquiète Stéphane Nomis. Ça va demander beaucoup d’énergie de faire cette campagne, ils vont laisser du jus pour leur entraînement. Comme s’ils n’avaient pas assez de pression. »

Le patron du judo peut toutefois compter sur un certain savoir-faire, qu’il n’hésite pas à mettre en avant :

« « Si on regarde depuis 2000, le judo en porte-drapeau, ça gagne à chaque fois (David Douillet, Teddy Riner et Clarisse Agbegnenou) ! C’est important de le dire, rappelle-t-il en souriant. C’est une sacrée pression pour les athlètes, et tout le monde n’est pas capable de la supporter. » »

Lui voit en Romane Dicko la prétendante idéale. « Elle est médaillée olympique, championne du monde, numéro 1 mondiale, et surtout elle dégage vraiment quelque chose de fort, vante-t-il. Elle est bienveillante, c’est une joie de vivre, elle est porteuse de symboles. C’est une lourde, on est dans une génération où les gens de la diversité son mal vus. Chez nous les lourds peuvent devenir de super champions, c’est un beau message. »

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Chaque Fédération a ses petits trucs pour préparer ses champions, accompagnement personnalisé ou discussions avec d’anciens porte-drapeaux, par exemple. Reste une règle a priori commune à toutes : pas de candidature si on entre en piste tôt dans la quinzaine. Cela concerne de potentiels solides postulants comme Léon Marchand, Pauline Ferrand-Prévot, Wendie Renard, Luka Mkheidze ou Nicolas Batum. Certaines instances ne semblent pas encore s’en soucier, en tout cas si l’on en croit le silence opposé par le basket et la natation à nos nombreuses sollicitations, quand d’autres comme le cyclisme ne savent pas même pas si elles feront remonter des candidatures.

La liste sera quoi qu’il en soit révélée autour de la mi-juin, puis le vote des athlètes aura lieu après la dernière commission de sélection, le 5 juillet. Il restera alors un peu moins de trois semaines pour se préparer pour le grand soir.

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