Le Courtraisien Sheyi Ojo nie être le rappeur masqué qui fascine l’Angleterre : “À Liverpool, Klopp m’a dit que j’avais tout pour atteindre le sommet”
L’ailier du KVK a été le premier adolescent lancé par le coach allemand en Premier League en 2016. Depuis, sa trajectoire a été dantesque. Des bords de la Mersey à ceux de la Lys, il raconte.
- Publié le 26-04-2024 à 11h02
”The new Posh and Becks ?”, a carrément titré le Daily Mail en 2014. Le tabloïd voyait déjà le couple connaître la même ascension que Victoria et David Beckham. The Liverpool Echo n’y a pas mis moins de pression, utilisant cette même phrase en guise d’introduction. C’est dire… Une décennie plus tard, les destins de Sheyi Ojo et d’Amaani Noor se sont séparés depuis bien longtemps. Tandis que l’ex-demi-finaliste de Miss Teen GB a été condamnée à 18 mois de prison pour avoir financé une organisation terroriste en 2019, l’ancien grand espoir de Liverpool évolue à Courtrai.
Ojo a connu un parcours dantesque qui l’aura vu brièvement percer dans l’équipe de Jurgen Klopp puis évoluer pour neuf clubs différents. Rencontre.
Son ascension éclair à Liverpool
”Une des périodes les plus étranges de ma vie”
Ce n’est évidemment pas tous les jours qu’un club débourse 2,3 millions € pour un gamin de 14 ans. Mais les Reds ont grillé la priorité à Chelsea, United, City, Arsenal, l’Ajax, au Barça, au Real ou encore à la Juve et à l’Inter pour s’attacher les services d’Ojo en 2011. Au plus grand bonheur du modeste club de MK Dons, d’où est également sorti Dele Alli. “Peut-être que cette somme m’a mis un peu de pression, nous avoue l’ailier. Mais je m’en mets toujours moi-même.”
Fan des Gunners à la base, Ojo a évolué avec les U18 des Reds à 15 ans. À l’époque, il n’échappe pas à l’œil attentif de John Aldridge, légende du club de la Mersey, qui lui donne “des airs de John Barnes”. Les comparaisons avec Raheem Sterling ou Jordon Ibe ne tardent pas à être chuchotées dans les tribunes d’Anfield non plus. “Chacun emprunte sa propre voie et a son propre style. Mon plan a toujours été d’intégrer l’équipe première dès un très jeune âge. J’ai toujours cru que j’y parviendrais. Quand j’ai signé à Liverpool, Brendan Rodgers était le coach avant que Klopp ne débarque.”
L’Allemand lui offre ses premières opportunités en équipe première. Après des prêts à Wigan et à Wolverhampton, il effectue ses débuts avec Liverpool, en FA Cup, face à Exeter. Pour sa première, il offre un assist à son “grand frère” Daniel Sturridge. Lors du retour, il inscrit son seul et unique but avec les Reds, devenant à l’époque le plus jeune buteur du club en FA Cup, à 18 ans 7 mois et 1 jour (entre-temps, Kaide Gordon a battu son record). Devant le Kop, en plus. “La sensation était fantastique. Mais sur le moment, tu n’y penses pas. C’était une période étrange dans ma vie : c’était tout ce dont je rêvais mais je ne m’en rendais pas compte. Avec le recul, c’était un grand moment.”
Sa relation avec Jurgen Klopp
”Ce qui le rend spécial ? Son intensité”
Lors du premier mercato hivernal que Klopp vit chez les Reds, l’entraîneur prend la décision de rappeler Ojo de son prêt chez les Wolves. “Il m’a dit que j’avais toutes les qualités pour atteindre le plus haut niveau et qu’il voulait travailler avec moi. J’ai joué quelques matchs avec la réserve pour prendre du rythme.”
Avant que Klopp n’en fasse le premier ado qu’il jette dans le grand bain qu’est la Premier League, lors d’un match face à Southampton. Alors qu’il semble enfin lancé, une blessure vient contrecarrer ses plans. “Elle m’a stoppé dans mon élan. Puis, il a toujours été difficile de se faire une place dans le trio offensif. Il y avait Sadio (Mané) et Bobby Firmino. Mo Salah est arrivé une année plus tard…”
Tant de raisons pour lesquelles il n’est jamais parvenu à réintégrer le onze de Klopp par la suite. “À Liverpool, c’est le 'King' – ou peu importe le mot que vous voulez employer. Son départ en juin est synonyme de grosse perte. Mais Liverpool était un grand club avant qu’il n’arrive et le restera après. Ce qui le rend si spécial ? Je dirais l’intensité. À l’entraînement, vu les standards en place, tu évolues naturellement. Si tu y ajoutes son énergie, son intensité, ses discours… L’environnement a complètement changé à son arrivée. Tout le monde, que ce soit les joueurs ou l’encadrement, s’est amélioré individuellement.”
Ses coéquipiers chez les Reds
”Encore en contact avec Sturridge, Gomez, Trent…”
Durant sa période au bord de la Mersey, Ojo a aussi croisé des joueurs hors normes. “Quand tu joues avec des joueurs du top, tu apprends énormément. Ils m’ont tous bien accueilli. Je pouvais m’exprimer librement. Je reste en contact avec Sturridge et des plus jeunes comme Joe Gomez. Lui a commencé à percer en même temps que moi. Trent est venu un an plus tard. Nous restons en contact et gardons un œil sur la carrière de chacun. Toute ma vie a tourné autour de Liverpool. Ma famille y a déménagé quand j’y ai signé. J’y ai encore une maison. Ce sera toujours une grande partie de ma vie.”
S’il n’a pas disputé de rencontre avec lui, Ojo s’est tout de même entraîné avec Steven Gerrard. Mais qui était le plus impressionnant ? “Coutinho ? C’est difficile à dire. Mais juste avant qu’il ne parte au Barça, il était en feu et endossait toutes les responsabilités. Même à l’entraînement, les trucs qu’il faisait…”
Et puis, à Anfield, il a évidemment partagé les terrains avec Simon Mignolet, Christian Benteke ou encore Divock Origi. “Quand nous avons joué contre Bruges, ici à Courtrai, j’ai reparlé avec Simon. C’était cool de rattraper le temps perdu. C’étaient tous des gars très sympathiques et qui continuent de s’intéresser à ma carrière.”
Ses innombrables séjours en prêt
”Super excité à l’idée de travailler avec Gerrard”
Au bout du compte, Ojo a dû lever les voiles pour trouver du temps de jeu régulier. “J’ai eu une discussion avec Klopp. Je voulais vraiment engranger des minutes. Je suis allé chez les Rangers, entraînés par Gerrard. Il m’avait présenté son plan pour la saison. J’étais super excité. J’y ai vécu mes premières expériences européennes et disputé une trentaine de matchs avant que le Covid n’interrompe la saison. Les fans là-bas sont incroyables.”
Surtout à la veille d’un Old Firm. Ojo et l’inégalable Scott Brown avaient lancé les hostilités du derby en août 2019 à distance dans la presse. “L’ambiance est incroyable. Malheureusement, nous n’avons pas eu le meilleur des ratios face au Celtic. L’Ibrox ou Anfield ? C’est différent. Jouer à Anfield en Premier League, c’est très spécial. L’Ibrox, durant les soirées européennes, aussi.”
Après cette expérience en Écosse, le vainqueur de la Coupe du monde U20 en 2017 a encore voyagé à Fulham, Reims, Milwall et puis Cardiff où il a même fini par poser ses valises définitivement en 2022. “J’ai parlé avec les dirigeants de Liverpool. À ce moment, se séparer était la meilleure solution pour tout le monde.”
Sa première expérience en Belgique
”J’aurais pu signer à Bruges, à Genk ou à Gand par le passé”
Problème : quand Ojo décide de parapher son contrat, le club gallois entre dans une période de transition. “Il me faut une structure avec un entraîneur qui me fait confiance. La saison dernière, j’ai eu quatre coachs différents. Le scénario n’était évidemment pas idéal.”
À l’image de ce qu’il vit à Courtrai, où il a atterri en prêt cet été après un différend avec Erol Bulut, le coach de Cardiff (les deux clubs font partie de la galaxie du Malaisien Vincent Tan). “Sur les deux dernières années, j’ai connu sept ou huit entraîneurs au total. Mais j’apprends de tous ces défis. C’est vrai que j’ai eu des contacts avec le Club Bruges, La Gantoise, Genk et un autre club belge par le passé. Mais je ne me rappelle plus des détails.”
Si je pense que je peux encore atteindre la Premier League un jour ? Oui, à 100 %.
Son contrat au pays de Galles et son prêt à Courtrai se terminent cet été. “Cardiff a une option. Je ne suis pas encore fixé. C’est en tout cas un carrefour important de ma carrière. Cette saison a été difficile. J’ai toujours essayé de m’adapter aux conditions. J’ai évolué à pratiquement tous les postes. Que ce soit ailier, latéral, voire défenseur. Si je pense que je peux encore atteindre la Premier League un jour ? Oui, à 100 %. Je ne serais pas venu ici sinon. Tout ne s’est pas passé comme prévu, mais j’ai beaucoup appris. Mon objectif reste de jouer le plus haut possible. Que ce soit en Premier League ou autre part.”
Sa prétendue carrière de rappeur
”Non, je ne suis pas DIDE”
La question fascine l’Angleterre et commence à l’ennuyer : qui est DIDE ? Comme Eddie Nketiah, Wilfried Zaha ou Alex Iwobi, Ojo fait partie des “suspects”. Le rappeur masqué fait fureur de l’autre côté de la Manche et serait, selon ses propres dires, un (ancien) joueur de Premier League. Ses titres Thrill ou Derby Day sont, en plus, truffés de référence au ballon rond.
Ce qui laisse penser qu’Ojo serait bel et bien l’artiste anonyme ? Un tatouage sur le poignet et sa coupe de cheveux. “Cette histoire est folle. Même des supporters d’ici me demandent si c’est moi. Toute ma carrière a été axée autour du foot. Tout ce qui viendrait en plus ne serait qu’une distraction. Je suis à Courtrai pour progresser. Quand les gens me demandent, c’est un peu ennuyant oui. Mais je comprends la curiosité (sourire). Mais ce n’est pas moi, non. Ma vie entière est dédiée au foot. Si les gens savaient comment je travaillais en coulisses, ils comprendraient vite que je n’ai pas le temps pour ça.”