Mbaye Leye revient sur ses 4 mois comme entraîneur de Seraing : “10 % des gens ont vu mon travail et diront que je mérite encore une chance”
L’entraîneur sénégalais revient sur ses quatre mois à Seraing, ponctués par une relégation en Nationale 1, et la suite qu’il souhaite donner à sa carrière.
- Publié le 02-05-2024 à 19h00
Le soleil a accompagné l’ultime entraînement de la saison. Mardi, Mbaye Leye a dirigé une dernière fois son groupe avant de lui octroyer quelques semaines de vacances bien utiles après une saison particulièrement éreintante sur le plan psychologique.
Le technicien sénégalais ne sait pas encore si son avenir s’écrira à Seraing mais il gardera un souvenir fort des quatre mois qu’il y a passés. Malgré le “goût amer” que lui laisse la relégation, il a effectué un travail largement salué en interne. “C’est une petite satisfaction, même si elle ne peut pas effacer la déception sportive.”
Quels enseignements retirez-vous de vos quatre mois au Pairay ?
“Cela m’a permis de constater que je suis sur le bon chemin et que mon travail porte ses fruits. Je suis un travailleur, j’arrive au stade le plus tôt possible et je le quitte le plus tard possible. Ce travail me passionne car, tout au long de ces quatre mois, j’ai pu observer une belle amélioration, que ce soit au niveau du staff technique ou des joueurs. Avec la progression d’éléments comme Fall, Solheid, Camara, Perrey ou encore Diarra, on peut dire que la valeur du groupe a augmenté, comme ce fut le cas lors de mes passages au Standard et à Zulte Waregem avec l’éclosion de jeunes comme Ameen Al-Dakhil, Hugo Siquet et Alieu Fadera.”
Contrairement aux anciens entraîneurs, vous ne vous êtes jamais plaint des conditions de travail difficiles. Pourquoi ?
“C’est ma philosophie, tout simplement. Je suis le leader de ce groupe et si je commence à critiquer le club, je donne une occasion aux joueurs de relever tout ce qui ne marche pas. À mes yeux, seul le travail est important, même s’il faut traverser une route pour se rendre au terrain d’entraînement ou s’il y a un problème à l’hôtel. Ce n’est que de cette manière qu’on peut changer l’état d’esprit des joueurs. Quand je signe dans un club, je connais les conditions qui m’attendent. Seraing reste un club particulier mais je savais que je n’étais pas au Standard ou à Zulte Waregem, où les infrastructures étaient de qualité. Ici, il faut parfois demander un terrain pour s’entraîner et parfois, on… oublie de nous en donner un. On me prend parfois pour quelqu’un de difficile mais ce n’est pas le cas.”
On ne voit pas beaucoup de coachs africains en Belgique et à l'étranger"
Au club, on salue la qualité de votre travail, malgré la relégation. Ne craignez-vous pas que cette ligne plombe votre CV ?
“Une personne lambda, qui n’a pas suivi le club au quotidien, va simplement se demander qui était l’entraîneur et en déduira qu’il est nul. Personnellement, je me suis toujours détaché de tout ce que les gens peuvent dire. Ce qui me dérange le plus finalement, ce sont les conneries que les connaisseurs de footballeur balancent. Je sais pourquoi j’ai accepté de relever le défi que Seraing m’a proposé. Beaucoup d’entraîneurs n’auraient peut-être pas osé se mouiller mais je ressors de cette expérience avec une certaine satisfaction par rapport au travail fourni. Après la victoire contre le SL 16, nos supporters ont refusé de quitter le stade car ils voulaient absolument me saluer et après la relégation, ils m’ont avoué que leur seul regret était que je ne sois pas arrivé plus tôt. Malgré tout, seuls 10 % des gens trouveront que je mérite encore une chance, à n’importe quel niveau.”
Parlons de votre avenir. Vous avez signé un contrat de six mois, renouvelable un an en cas de maintien. Cette option est-elle également valable en cas de maintien… administratif ?
“Nous devons en discuter avec le club. Descendre en Nationale 1 ne fait pas partie de mes objectifs. J’ai toujours des ambitions très élevées et je sais qu’on peut très rapidement se retrouver en dehors du monde du football. Recevoir des opportunités n’est pas toujours évident et on ne voit pas énormément d’entraîneurs africains dans le championnat belge ou à l’étranger. Je travaille encore plus dur pour montrer ce dont je suis capable.”
Êtes-vous prêt à retourner au charbon pour aider Seraing à relever la tête ?
“Mon arrivée, c’était du win-win pour le club et moi. Cela m’a permis de remontrer ce que je savais faire. Tous les connaisseurs de Seraing ont bien conscience qu’être à un point du maintien à l’aube de la dernière journée représente une belle performance. Depuis mes débuts comme entraîneur, je n’ai relevé que des missions compliquées. Quand je jette un œil sur l’évolution du Standard, je me dis que mes successeurs n’ont pas eu la vie facile. Je le répète, j’ai quand même terminé à la sixième place et atteint la finale de la Coupe de Belgique avec le noyau mis à ma disposition. Pareil à Zulte Waregem, qui avait encore la possibilité de se maintenir au moment de mon départ. Sur le plan statistique, cela ne me rapporte rien mais les employés du club sont conscients du travail qui a été abattu. Je pense y être également parvenu à Seraing. Avec l’arrivée d’un peu plus de qualité au mercato hivernal, nous aurions pu faire quelque chose.”
Avoir un directeur sportif qui ne me tire pas dans les pattes comme au Standard, c'est important"
Quelles sont les leçons que vous avez tirées pour la suite de votre carrière ?
“Pendant les quatre derniers mois, j’ai entretenu une très belle relation avec mon directeur sportif, Mario Mendoza. C’est la base du succès, même si nous n’avons pas pu décrocher le maintien. Avoir un directeur sportif qui est sur la même longueur d’onde que moi, qui ne me tire pas dans les pattes quand je suis absent comme ce fut le cas au Standard (NdlR : sa relation avec Benjamin Nicaise fut pratiquement inexistante), c’est important pour avancer dans la vie et consolider le travail que j’effectue avec les joueurs.”
Que vous apporte votre rôle de consultant sur RTL dans votre coaching ?
“Je le fais depuis huit ans. J’apprends plein de choses car je le fais à 100 %. J’analyse énormément de matches chaque semaine et je suis ouvert à l’apprentissage. Par exemple, j’observe la façon de jouer de Leverkusen et cela me permet de progresser.”
Mais n’est-ce pas frustrant de ne pas pouvoir appliquer ces principes à Seraing, où la qualité des joueurs n’est pas identique ?
“C’est impossible mais si on peut réduire l’idée à 30 %, c’est déjà une plus-value. Parfois, il est intéressant d’utiliser des images de grandes compétitions, surtout sur le plan défensif. Ce soir (NdlR : l’interview s’est déroulée mardi), je vais montrer comment une équipe comme le Real Madrid est capable de sacrifier la possession alors que cela fait partie de son ADN. Quand je montre Jude Bellingham qui revient à vingt mètres de son rectangle, tu ne peux pas te permettre, en tant que joueur de Seraing, de ne jouer que quand le ballon arrive dans ta zone.”