On s’est infiltrés chez… les supporters de l’Union : “On peut avoir le club dans les veines, même si on ne le supporte que depuis 4 ans”
Des “nouveaux fans”, des “supporters de la victoire”,… Les qualificatifs dressés par les supporters adverses de l’Union Saint-Gilloise, pour définir un fan de l’Union, ne sont jamais très élogieux. Ce dimanche, face à Anderlecht, la DH a décidé de “s’infiltrer” au sein de la tribune Est du stade Joseph Marien afin de savoir qui était vraiment le supporter de l’Union Saint-Gilloise. Entre rires, bières et odeurs de cannabis, notre dimanche après-midi aura réussi à nous dévoiler le profil type de l'“Union Bhoys”.
- Publié le 06-05-2024 à 15h38
- Mis à jour le 07-05-2024 à 09h14
Il est 15h30 le long de la chaussée de Bruxelles. Les abords du stade Joseph Marien commencent à s’agiter, les bars s’installent, les premières bières sortent des fûts, la rue est désormais bloquée pour tous les véhicules. Un parfum de stress entoure la façade du mythique stade de l’Union et on comprend très vite pourquoi. Le match qui se joue ce dimanche est d’une importance capitale pour l’Union Saint-Gilloise et Anderlecht dans le cadre de la lutte pour le titre. Le club qui perd ce dimanche perdra aussi l’ambition de remporter le titre en Pro League. La tension est donc fortement palpable.
Pour les supporters unionistes, affronter son voisin bruxellois est devenu une coutume. Mais l’affiche de ce dimanche est certainement l’affrontement le plus important de ces dernières années, vu la position des deux clubs au classement.
Le match est également redouté par quelques supporters qui craignent que certains hooligans d’Anderlecht ne s’infiltrent du côté des Unionistes. Les policiers sont sur le qui-vive et nous en avons fait les frais.
”Qu’est-ce que vous faites là ?”: des policiers sur le qui-vive
Postés devant le “Club House”, une bière à la main et sans signe distinctif qui pourrait faire deviner un certain support pour l’USG, nous voyons deux policiers en civil venir à notre rencontre. “Bonjour, c’est la police, nous pouvons savoir ce que vous faites ici ?”. Nous leur expliquons que nous sommes simplement de la presse, ce à quoi les deux policiers nous rétorquent : “Ah d’accord, c’est parce que certains supporters vous trouvaient louches et pensaient que vous étiez d’Anderlecht. Mais pas de souci alors, en plus, vous n’avez pas des têtes de personnes louches.”
Il est 17h, à plus d’une heure du coup d’envoi, les abords du Parc Duden sont déjà bondés. Les supporters se donnent rendez-vous devant l’un ou l’autre bar pour s’abreuver avec leurs amis en racontant la semaine qu’ils viennent de passer. Quelques “Union Bhoys” lancent des chants à la gloire du club mais les nombreux supporters se trouvant à côté préfèrent réserver leur voix pour la rencontre.
Nous en profitons pour discuter avec eux. Souvent considérés comme des “nouveaux supporters” par les clubs adverses, certains Unionistes ne s’en cachent pas. “Je suis venu voir mon premier match il y a 4 ans”, nous confie Gaspard. “Depuis, je ne me vois plus rater un seul match à domicile. C’est mon rendez-vous du week-end tous les 15 jours”.
À la question de savoir ce que représentait l’Union pour lui avant cette toute première, Gaspard nous répond honnêtement qu’il savait juste que “c’était un club historique en Belgique” et que celui-ci “évoluait dans les divisions inférieures à l’époque”. “Mais ça ne me gêne pas que l’on me considère comme étant un nouveau fan du club. Beaucoup de choses ont changé à l’Union et une nouvelle vague de fans, dont je fais partie, est arrivée et fait beaucoup de bien au football belge. Si le club va mal un jour, je sais que je serai toujours présent aussi car j’ai vraiment l’âme du club dans la peau désormais. En peu d’années, grâce aux différents succès du club, j’ai vécu des moments incroyables. Avec mes potes, on a traversé l’Europe pour aller les voir jouer en Europa ou en Conférence League. Ce sont des souvenirs qui resteront gravés à jamais pour moi et qu’on s’attend à réitérer vu la bonne dynamique du club.”
La délocalisation de l’Union devient indispensable pour les fans
À 18h, les fans se pressent devant les différentes entrées du stade. Dans la file, un étudiant en Master 2 de journalisme nous demande si l’on sait répondre à un questionnaire pour ses études. Le sujet porte sur la délocalisation du stade sur le site du Bempt, à 1,5km du Parc Duden. En observant la cohue devant les différentes entrées du stade, qui sont toutes les unes à côté des autres, on se dit qu’il serait en effet préférable pour le club de déménager vers un autre espace pour accueillir d’une manière plus organisée les supporters qui se font toujours plus nombreux à chaque match.
Aller voir l’Union devient même compliqué car les matchs se jouent presque tous à guichets fermés. Un stade aux normes pour l’Europe avec une plus grande capacité d’accueil semble donc être indispensable pour l’Union Saint-Gilloise, si le club veut confirmer son renouveau, quitte à ne plus évoluer dans ce stade qui sent bon le football des années 60.
Nous nous dirigeons vers la tribune Est, celle où les plus fervents supporters sont massés, debout, sur toute la longueur du terrain. À moins d’une demi-heure du coup d’envoi, il fait encore calme dans les travées du stade Joseph Marien. Tout le monde boit sa bière tranquillement et le jeu des pronostics est sur toutes les lèvres.
Personne ne semble avoir prédit le score final de cette rencontre (0-0), tout le monde voyant l’Union l’emporter avec un ou deux buts d’écart. Les supporters sont confiants et le voisin bruxellois ne fait pas peur aux Unionistes. “Niveau football, c’est très faible Anderlecht ! Il n’y a pas photo entre Riemer et Blessin tactiquement”, indique l’un de nos voisins de tribune à ses amis, qui acquiescent tous l’avis de cet homme habillé aux couleurs de l’Union de la tête aux pieds.
À 18h20, les “Capos” prennent place, mégaphones en main, la tête face au public. Les drapeaux virevoltent et les premiers chants sont entonnés. Pendant 10 minutes, nous aurons droit à un “Chalalalalala allez l’Union”, assez répétitif, il faut le dire, mais qui aura eu le mérite de réveiller tous les fans pour la rencontre.
Du Germinal Beerschot à l’Union Saint-Gilloise grâce à la VUB !
L’occasion pour nous de nous rendre au bar avant le début du match. On croise alors trois néerlandophones qui nous accostent, en Français. “Comme le dit la chanson, nous, on reste au bar !”. Nous faisons leur connaissance et en profitons pour savoir d’où vient leur passion pour l’Union. “À la base on vient d’Anvers et nous supportons le Germinal Beerschot. Mais, depuis qu’on a commencé nos études à la VUB il y a deux ans, on vient voir l’Union. On a toujours été contre l’Antwerp et Anderlecht, donc supporter l’Union c’était le bon compromis pour nous (rires). La saison prochaine, on devra supporter deux clubs dans le même championnat avec la montée du GBA en D1A, c’est difficile à imaginer mais ce sera comme ça !”.
La rencontre débute. Les supporters donnent de la voix et les différents chants se suivent. Le fameux “Bruxelles, ma ville, je t’aime,…” est suivi en choeur par toutes les tribunes unionistes. De nombreux enfants l’entonnent avec une énergie à casser leurs cordes vocales. Le moment est agréable à voir et représente l’esprit familial qui règne dans les travées.
L’odeur de certaines substances illicites nous rappelle également que dans certaines tribunes, tout est permis et rien ne dérange, sauf peut-être la vision de ces deux cinquantenaires occupés de “sniffer” une ligne de cocaïne dans les toilettes, peu avant la mi-temps. Une image que des petits garçons, qui faisaient la file pour uriner, n’avaient pas à voir.
C’est la pause entre l’Union et Anderlecht. L’occasion pour nous de partir à la recherche d’un supporter “historique” du club. On tombe très vite sur le phénomène que l’on voulait trouver. Marc a 65 ans. L’Union Saint-Gilloise coule dans ses veines depuis qu’il est en âge de marcher. “Ce serait mentir si je disais que je n’ai pas raté un match depuis que je supporte le club. Pendant un long moment je venais occasionnellement au stade car j’avais d’autres préoccupations. Mais, depuis que je suis retraité, j’ai du temps pour tout, dont celui de supporter l’Union en présentiel et pas en télétravail comme je le dis souvent”.
Quand on lui parle de la nouvelle ferveur qui s’est emparée de l’Union, Marc nous interrompt. “T’as vu le monde qu’il y a dans cette tribune ? On était 300 il y a 10 ans, maintenant on est des milliers ! Ça fait plaisir à voir car tout le monde sympa. L’esprit bon enfant règne toujours quand on vient assister à un match au Parc Duden.”
"Faut pas tout laisser passer non plus!"
Si notre interlocuteur apprécie toute l’effervescence qu’il y a autour de son club de cœur, il soulève toutefois un point qui l’exaspère. “Je suis rentré chez moi fâché comme je l’ai rarement été en 65 ans, il y a 3 semaines. On enchaîne les défaites et certains supporters applaudissaient les joueurs en leur disant que ce n’était pas grave ! Bon Dieu ! Moi je gueulais qu’il était temps de se bouger les c******* si on voulait le titre ! Faut pas tout laisser passer non plus, mettre la pression, ça a du positif aussi !”.
On remercie Marc pour son témoignage si symbolique et on le laisse dire “tchin” à son ami espagnol. “Je ne parle pas l’espagnol et lui ne parle pas le français. Mais on arrive à se comprendre quand on a une bière à la main”, nous dit-il en s’esclaffant.
La commission européenne, vecteur de supporters unionistes
L’Union, c’est aussi un public multiculturel. En parcourant la tribune Est, on peut entendre différentes langues se côtoyer dans les conversations. De nombreuses personnes travaillant à la commission européenne ont trouvé en l’Union le club à supporter à Bruxelles. Qu’ils soient Italiens, Espagnols ou Allemands, tous unissent leur passion pour le ballon rond au Parc Duden, comme si le jaune et le bleu sonnaient comme une évidence pour les expatriés qui débarquent au sein de notre capitale.
Le match se termine. Le score nul et vierge de cette rencontre n’arrange aucun des deux clubs dans cette course au titre, surtout suite à la victoire de Bruges face à l’Antwerp quelques heures plus tôt. “On a intérêt à gagner la finale de la Coupe jeudi sinon on va encore finir bredouille”, relate avec un peu de dépit un supporter qui se dirige vers la sortie du stade.
Qui dit fin de match ne dit pas “retour à la casa” pour de nombreux fans. L’occasion est belle pour terminer son week-end à boire un “dernier” verre et refaire le match entre supporters. Tous sont d’avis que le portier Anthony Moris est l’homme du match grâce à son double sauvetage salvateur en seconde période. Mais tous estiment aussi que les hommes d’Alexander Blessin méritaient mieux.
Une première à l’Union grâce à un certain Felice Mazzu
On rencontre alors Bastien. Écharpe jaune et bleue autour du cou, il nous explique que sa passion pour l’Union est là depuis 4 ans. “J’ai toujours bien aimé le foot et je regardais toujours les résultats d’Anderlecht quand j’étais petit. Quand on me demandait qui je supportais au foot en Belgique, je répondais Anderlecht sans grande conviction. D’ailleurs, je n’ai jamais été au Parc Astrid les voir jouer. Quand j’ai emménagé à Forest, je me suis dit que c’était l’occasion d’aller voir l’Union jouer. J’allais surtout les voir car c’était Felice Mazzu le coach et c’est une personnalité dans le football que j’ai toujours apprécié, je ne sais même pas expliquer pourquoi. J’ai tout de suite adhéré au club depuis ce jour-là.”
"Quand on me demandait qui je supportais au foot en Belgique, je répondais Anderlecht sans grande conviction"
On pousse alors un petit peu Bastien dans ses retranchements quand on lui demande s’il sait nous citer trois joueurs de l’Union qui évoluaient en D1B avant le rachat du club en 2018 par Tony Bloom, le propriétaire de Brighton. “Il doit sûrement y avoir des joueurs que je connais mais en citer un là comme ça, je ne saurai pas… Après je n’ai aucun complexe à dire que je ne connais pas grand chose sur l’histoire de l’Union avant leur montée en D1A. On peut avoir le club qui coule dans nos veines, même si on ne le supporte vraiment que depuis 4 ans.”
Car oui, c’est souvent un reproche qui est fait de la part des supporters d’autres clubs en Belgique. Beaucoup disent qu’à l’Union, c’est un public de “Footix”, des nouveaux supporters “de la victoire” qui ne seront plus là le jour où l’Union connaîtra une saison difficile. De ce qu’on a pu observer ce dimanche, on a l’impression que tous ces 'nouveaux” supporters vont jurer fidélité au club, même s’ils ne sont affiliés à celui que depuis peu d’années.
Il est 23h30, la rue retrouve le même calme que 10 heures auparavant. Les bars se désinstallent, la musique se coupe. Les supporters présents se sont déjà donnés rendez-vous ce jeudi 9 mai au Stade Roi Baudouin, stade où l’Union a évolué pendant une saison. C’était en D1B, lors de la saison 2016-2017. Un épisode pas si lointain qui ne parle cependant pas à ces nouveaux fans de l’Union, qui voient plutôt le Stade Roi Baudouin comme étant leur future résidence européenne pour la saison prochaine.