footballKylian Mbappé en numéro 9, une condamnation à l’ennui ?

PSG - Dortmund : Kylian Mbappé en numéro 9, une condamnation à l’ennui pour le reste de sa carrière ?

footballAu match aller, comme lors des deux confrontations face au Barça, Mbappé, installé dans l'axe de l'attaque parisienne, s’est montré bien trop discret pour un joueur de son statut
Kylian Mbappé lors de la demi-finale aller de la Ligue des champions entre le Borussia Dortmund et le PSG, le 1er mai 2024.
Kylian Mbappé lors de la demi-finale aller de la Ligue des champions entre le Borussia Dortmund et le PSG, le 1er mai 2024.  - Martin Meissner/AP/SIPA / SIPA
Nicolas Camus

Nicolas Camus

L'essentiel

  • Une semaine après sa défaite à l’aller (1-0), le PSG reçoit le Borussia Dortmund en demi-finale retour de la Ligue des champions, ce mardi soir.
  • Une rencontre dans laquelle sera particulièrement attendu Kylian Mbappé, passé à côté de son match en Allemagne dans une position de numéro 9 où ses manques sont encore nombreux.
  • Des questions autour de l’exploitation de ses qualités et de sa capacité à se rendre utile pour son équipe se posent s’il est amené à poursuivre sa carrière dans ce rôle.

Ça va donc ressembler à ça, le reste de la vie de Kylian Mbappé ? Ces tentatives de dribbles (ratées) au milieu du trafic, ces phases où il se retrouve totalement statique à attendre le ballon dans les pieds, cette impression diffuse de sous-exploitation permanente et de déconnexion avec le reste de l’équipe ? On ne sait pas vous, mais la prestation du Kyk’s à Dortmund en numéro 9, dans la lignée de celles face au Barça (malgré les deux buts au retour, oui), nous a rendu un brin tristoune. Le sentiment de frustration qui a escorté la performance parisienne dans cette demi-finale aller de Ligue des champions concerne en premier lieu celui par qui l’étincelle est censée arriver.

Une chose sur laquelle tout le monde se rejoint : Mbappé n’a pas été bon dans ce match aller. Il y a certes ce tir sur le poteau et cette grosse occasion créée pour Dembélé, mais pour un grand joueur qui ne vit que pour ces grands matchs, ça fait trop peu. Quelques stats pour appuyer le constat : trois duels gagnés sur 10, deux dribbles réussis sur huit et 16 ballons perdus. La faute à son positionnement, aux consignes de l’entraîneur, à son attitude ? Un peu des trois, sans doute.

Même si le coach espagnol dira que « Kylian ne joue pas en 9 mais avec une liberté totale », comme lorsqu’il l’avait installé dans le rôle pour la première fois fin 2023, on a des yeux pour voir, et il se trouve qu'il passe le plus clair de son temps engoncé au milieu de centraux bien contents de pouvoir le choper à l’arrêt. Elles sont où, les grandes chevauchées, les percussions en arrivant à 300 km/h face à son adversaire direct, bref, ce qui fait de lui un des meilleurs joueurs du monde ? Et au-delà de ce match retour et de la fin de saison, on s’inquiète un peu pour la suite. Avec Vinicius dans les parages, on ne peut exclure de le voir à ce poste au Real Madrid. On prévient tout de suite, on n’est pas prêts à le voir abandonner le dragster pour la chaise longue. Pas encore.

« Contre-productif pour son équipe »

Ne pas dramatiser non plus. Selon Marca, le Real est déjà en train de préparer son incorporation tactique dans l’équipe. Et puis le style de jeu d’Ancelotti lui offrira sans aucun doute davantage d’espaces. Accepter de subir, évoluer bas pour mieux lancer des flèches quand la défense adverse est endormie, les Madrilènes savent faire, merci. Encore faut-il que le capitaine de l’équipe de France accepte ce qu’implique un rôle de numéro 9. De ce point de vue, le bulletin de notes dressé sur le match aller par Florent Toniutti, analyste tactique et directeur de l’agence Digital Arena, n’est pas fameux :

« Il passe à côté sur plusieurs aspects, notamment le fait qu’un 9 doit créer des espaces pour les autres. Mbappé ne fait pas ça. Il est un joueur individuel, qui veut faire la différence une fois qu’il a le ballon dans les pieds. Sur ce match, et ce n’est pas la première fois de la saison, il ne sert pas à grand-chose dans ce rôle, voire devient un peu contre-productif pour son équipe. »

Deux exemples pour illustrer le propos, avec l’explication de notre expert :

En première période, Ousmane Dembélé déborde côté droit et centre fort devant le but. Kobel est trop court mais aucun Parisien n’est là pour couper au premier poteau.

« Il y a cet adage, "premier poteau premier servi", qu’on apprend aux 9 en formation. Il n’a pas ce réflexe, on l’avait vu contre le Barça aussi. De manière générale, c’est un joueur assez passif dans la surface, pas à l’aise dans le jeu de position, le fait d’aller au charbon, de passer l’épaule devant le défenseur ou de rester dans l’angle mort et jaillir au bon moment. On a l’impression que ça ne fait pas partie de sa panoplie. Quand t’es 9, on attend de toi que tu occupes la surface et que tu pèses dedans. »

Dortmund-PSG, 45e minute + 2.
Dortmund-PSG, 45e minute + 2.  - capture d'écran / 20 Minutes

En seconde période, à la suite d’un contre, Warren Zaïre-Emery se retrouve avec de l’espace aux 30 mètres pour attaquer la ligne défensive allemande.

« Là, Mbappé doit faire un appel dans le dos de la défense, mais il recule et attend la balle dans les pieds à hauteur de Zaïre-Emery, qui du coup n’a plus d’espace devant lui et ne peut plus avancer. Pour un vrai 9, c’est un appel de base à faire. Ça aurait pu lui offrir une occasion face au gardien, ou mettre son coéquipier en bonne position. Donc soit il n’a pas les bases, soit il ne veut pas. Là-dessus, il est compliqué à cerner. En tout cas, ce déplacement n’est pas celui de quelqu’un qui sent bien le jeu, qui a les automatismes pour le poste. »

Dortmund-PSG, 57e minute.
Dortmund-PSG, 57e minute. - capture d'écran / 20 Minutes

L’occasion d’une précision : on ne parle pas là des statistiques du bonhomme. Un joueur de son talent trouvera toujours le moyen de marquer ses 40 buts par saison, et peut-être mettra-t-il le doublé qui qualifiera le PSG mardi soir. Il est question ici l’exploitation de ses qualités et de sa capacité à se rendre utile pour son équipe s’il est amené à poursuivre dans ce rôle de numéro 9. Et accessoirement de notre plaisir à voir jouer un attaquant de sa classe.

Parlant de son implication pour le collectif, on aurait pu d’ailleurs ajouter l’action du but de Dortmund, où son demi-pressing (du mauvais côté) n’empêche pas le gaucher Schlotterbeck d’allonger pour aller chercher Füllkrug. Ça aussi, ça fait partie de la fonction. Le choix de Luis Enrique de faire entrer Randal Kolo Muani plutôt que Gonçalo Ramos peut difficilement s’expliquer autrement que par la peur de prendre encore plus l’eau que ce n’était déjà le cas sur le côté gauche de Nuno Mendes si Mbappé avait terminé le match dans cette zone.

Lutte de pouvoir avec Vinicius, comparaison avec Ronaldo

« C’est un enseignement supplémentaire sur le fait que ce que propose Mbappé aujourd’hui pour le PSG est insuffisant, estime Florent Toniutti. Vinicius, en comparaison, est décisif, se déplace pour les autres, fait des différences, et en plus il défend. En ce moment, c’est plus un casse-tête de le croiser lui plutôt que Mbappé. Mais le fait de repartir d’une page blanche au Real va sûrement le rebooster. »

Il n’aura pas le choix de toute façon. Le Brésilien, par ses actes, sa débauche d’énergie et sa capacité à assumer le leadership lors des grands matchs, a acquis un vrai statut ces deux dernières saisons. Depuis le départ de Benzema, il est le phare offensif de son équipe, et ne s’est jamais éteint quand ça comptait. Mbappé devra aller chercher ce même crédit auprès du vestiaire et des supporters madrilènes. Comment va-t-il évoluer dans les années à venir ? Une interrogation intrigante autant qu’excitante.

Vinicius après le premier de ses deux buts inscrits lors de la demi-finale aller entre le Bayern Munich et le Real Madrid, le 30 avril 2024.
Vinicius après le premier de ses deux buts inscrits lors de la demi-finale aller entre le Bayern Munich et le Real Madrid, le 30 avril 2024.  - Daniela Porcelli / SPP/Sipa USA/SIPA

Quand on évoque son repositionnement dans l’axe, l’analogie avec Cristiano Ronaldo vient immédiatement à l’esprit. Le Portugais a écumé le couloir gauche dans ses jeunes années, avant de devenir une machine de guerre en 9 au Real. En l’état, « la comparaison ne tient pas », juge Toniutti. Plusieurs différences notables séparent encore Mbappé de son idole de jeunesse : CR7 avait bossé comme un acharné pour se tailler un physique qui lui permettrait de régner dans la surface et le jeu aérien, et en plus de ses qualités physiques hors normes, il avait cultivé son obsession pour le but, pour s’approprier chaque ballon qui pouvait ressembler même de loin à une occasion, à l’image de purs finisseurs comme Trezeguet ou Inzaghi. Un alliage qui a fait de lui un attaquant dominant en toutes circonstances.

A ce stade de sa carrière et de son développement, le Français n’en est pas (encore ?) là. Mais ce qu'il y a de bien avec ces joueurs, c'est que rien n'est jamais irrémédiable. Et surtout pas l'ennui. En attendant, Luis Enrique réfléchirait à remettre Mbappé sur son côté gauche ce mardi soir et installer Gonçalo Ramos dans l’axe. Une option qui se tient, si jamais on nous demande notre avis.

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