ESPOIR DE PAIXLa trêve olympique aura-t-elle lieu pour les JO de Paris 2024 ?

JO de Paris 2024 : Dans un monde en guerre, la trêve olympique aura-t-elle lieu ?

ESPOIR DE PAIXSoutenu par la Chine, Emmanuel Macron a appelé de ses vœux à une trêve olympique pendant les JO de Paris
Emmanuel Macron caresse l'espoir d'aboutir à une trêve olympique avant le coup d'envoi des JO de Paris dans deux mois et demi.
Emmanuel Macron caresse l'espoir d'aboutir à une trêve olympique avant le coup d'envoi des JO de Paris dans deux mois et demi.  - f. Fife / Afp (avec Canva) / 20 Minutes
Jérôme Gicquel

Jérôme Gicquel

L'essentiel

  • En visite d’Etat en France, le président chinois a apporté lundi son soutien à la trêve olympique défendue par Emmanuel Macron.
  • Remontant à l’origine même des Jeux, cette tradition consiste à faire taire les armes pendant la durée des épreuves sportives.
  • Mais dans les faits, elle n’est pas souvent respectée. Et selon l’historien du sport Patrick Clastres, il y a peu de chances qu’elle le soit cet été pour les JO de Paris alors que la guerre fait rage en Ukraine et à Gaza.

Faites du sport, pas la guerre. C’est le principe même de la trêve olympique, une tradition instituée dans la Grèce antique au IXe siècle avant J.-C. et qui est ancrée dans les valeurs de l’olympisme. Autrement dit, à chaque édition d’été ou d’hiver des Jeux olympiques, les peuples belligérants sont invités tous les deux ans à déposer les armes pour laisser place à la compétition et aux exploits sportifs. Ça, c’est sur le papier. Car dans les faits, ce cessez-le-feu n’a pas toujours été respecté. Le sera-t-il cette année pour les JO de Paris alors que la guerre fait rage depuis de longs mois en Ukraine et à Gaza ?

C’est en tout cas le souhait d’Emmanuel Macron qui appelle de ses vœux à « une trêve dans le monde entier » cet été et qui « peut être une occasion de travailler à un règlement durable dans le plein respect du droit international ». Une initiative qui a reçu le soutien lundi du président chinois Xi Jinping au premier jour de sa visite d’État en France. Le même jour, le Vatican en a également fait de même en indiquant que cette trêve olympique était « une absolue nécessité ». A moins de 90 jours du coup d’envoi des JO, 20 Minutes fait le point sur la portée et les enjeux de cette trêve olympique et sur les chances qu’elle se concrétise quand la flamme embrasera la vasque olympique le 26 juillet prochain.

C’est quoi cette trêve olympique au juste ?

Selon la tradition, la trêve olympique a pour objectif de faire taire les armes pendant les Jeux afin « de préserver, dans la mesure du possible, les intérêts des athlètes et du sport en général et pour encourager la recherche de solutions pacifiques et diplomatiques aux conflits qui sévissent dans le monde », selon le Comité international olympique. Une très vieille coutume établie le 1er juillet de l’an 776 avant J.-C., lors des premiers Jeux olympiques. A l’époque, trois rois grecs qui n’arrêtaient pas de se livrer bataille avaient instauré une paix sacrée afin que les athlètes et les spectateurs de leurs cités respectives puissent participer et assister en toute sérénité aux épreuves.

Le principe d’une trêve olympique était né, avec des combats suspendus du septième jour avant l’ouverture jusqu’au septième jour après la clôture. Mais selon Patrick Clastres, historien du sport et professeur à l’université de Lausanne, « cette trêve olympique est une tradition inventée par le Comité international olympique car la guerre n’a jamais cessé en Grèce pendant les Jeux ». Il faudra d’ailleurs attendre les JO de Barcelone en 1992 pour que le CIO relance cette idée de trêve alors que les combats font rage après la dislocation de la Yougoslavie. Elle fait depuis l’objet d’une résolution symbolique de l’ONU à chaque édition.

La trêve a-t-elle toujours été respectée à l’ère moderne ?

Eh bien non, justement. Car si le sport est un puissant vecteur de « soft power », il n’a jamais réussi à faire cesser un conflit armé. « On ne peut qu’approuver l’idée bien sûr si cela pouvait marcher mais il faut être réaliste et reconnaître que ça ne fonctionne pas », souligne Patrick Clastres. Cette année, les regards sont bien sûr tournés vers Vladimir Poutine. Grand amateur de sport et ceinture noire de judo, le président russe a pourtant démontré qu’il s’en tamponnait pas mal de cette fameuse trêve olympique qu’il a bafouée à trois reprises.

En août 2008 tout d’abord, le jour de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Pékin. Après un assaut des troupes géorgiennes en Ossétie du sud, l’armée russe avait violemment répliqué et repris en quelques jours le contrôle de la région. Six ans plus tard, alors qu’elle accueillait sur son sol les JO d’Hiver à Sotchi, la Russie avait annexé la Crimée. Et rebelote en 2022 avec le début de l’invasion de l’Ukraine le 24 février, soit quatre jours après la clôture des JO d’hiver de Pékin. Silencieux jusqu’alors, le CIO avait cette fois rompu avec sa traditionnelle neutralité et « condamné fermement la violation de la trêve olympique par le gouvernement russe ».

Les combats cesseront-ils cet été pour les JO de Paris ?

On aimerait bien y croire, comme Emmanuel Macron. Car le symbole serait fort de voir les combats cesser en Ukraine et à Gaza pendant les JO de Paris, avec l’espoir d’éventuelles discussions en vue d’un cessez-le-feu durable. Après sa réélection en mars, Vladimir Poutine s’était d’ailleurs dit prêt « à examiner toutes les propositions » alors qu’il évoquait le sujet de la trêve olympique.

La France compte pour cela sur le soutien de Pékin, principal allié des Russes, pour peser dans la balance. « Il y a là une fenêtre d’opportunité pour que Xi Jinping demande à Poutine de relâcher la pression et de reculer dans ses offensives pendant quelques semaines, estime Patrick Clastres. « De même, on voit qu’Israël accélère son offensive militaire et on peut donc imaginer que ses objectifs militaires seront atteints avant les Jeux de Paris. Israël pourra alors se vanter de desserrer sur l’enclave palestinienne », insiste l'historien du sport.

Mais le professeur ne se fait guère d’illusions et ne croit pas une seconde à cette trêve olympique. « Ces pays ne connaissent que la force et il n’y a malheureusement qu’avec l’arme économique ou militaire qu’on fait progresser la paix, assure-t-il. Et si trêve il y a, ce serait juste un effet d’annonce. Car une trêve, ce n’est pas l’arrêt des combats ni un accord de paix. Et pour l’apprécier, il faudrait pouvoir l’apprécier dans la durée ». A deux mois et demi du coup d’envoi des JO de Paris, on est en effet encore loin de tout ça.

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