Plongée dans l’incroyable académie des gardiens de Genk : “De Koen Casteels aux U15, on a le gardien de toutes les équipes nationales belges”
Anderlecht et Genk, qui s’affrontent samedi en playoffs, ont les deux meilleures académies du pays. Mais avec une grande différence : le Racing produit d’excellents gardiens à un rythme industriel pendant que le Sporting peine à développer ses propres portiers.
- Publié le 09-05-2024 à 09h27
- Mis à jour le 09-05-2024 à 11h48
Quel est le point commun entre Genk, Westerlo, Malines, Louvain et le Club Bruges cette saison ? Leur gardien de but a été formé au Racing Genk, avec Vandevoordt, Bolat, Coucke, Leysen et Jackers. Cinq clubs sur seize en Pro League, soit près d’un tiers.
Impressionnant ? Oui mais pas autant qu’un autre constat : le club limbourgeois possède actuellement le keeper de chacune de catégorie d’âge en équipe nationale. Chez les U15 (Debusschere), les U16 (Kiaba Mounganga), les U17 (Van Ingelgom), les U18 (Pieklak), les U19 (Penders) et les U21 (Vandevoordt), il y a un portier du Racing.
Bref, la lignée de l’école genkoise va, théoriquement, se poursuivre encore longtemps dans la cage des Diables. Une cage occupée par Casteels depuis que Courtois refuse de venir, les deux plus beaux fleurons avec des gants du Racing.
Vandevoordt est arrivé en test comme joueur de champ à 10 ans. En 10 minutes, on avait compris qu'il serait un grand gardien.
Comment Genk parvient-il à former autant de bons gardiens ? “C’est le résultat d’un travail de longue haleine, répond Koen Witters, manager des gardiens de l’académie limbourgeoise. On a notre philosophie, ambitieuse, et on s’y tient, tout en restant à la pointe de ce qui peut améliorer la formation d’un keeper.”
Le Racing scoute les meilleurs gardiens de sa province jusqu’à 12 ans. Puis il étend ses recherches à tout le pays si les deux portiers de la catégorie d’âge ne sont pas suffisamment prometteurs. “Mais Courtois était déjà là en U9 et Vandevoordt est arrivé en U10. Quand tu as deux garçons comme ça, tu n’as pas besoin d’aller voir ailleurs.”
La détection est l’une des grandes forces chez les gardiens. Les yeux genkois sont acérés avec les années. L’exemple de Vandevoordt est frappant : “Il est arrivé lors d’une journée de test en U10. Il jouait dans le champ à l’époque, à Brustem près de Saint-Trond où il est né. Lors de ces tests, on fait tourner les joueurs à chaque position. Quand Maarten est allé au but, on n’a eu besoin que de dix minutes pour avoir que son avenir était là.”
La taille n’est vérifiée qu’à partir de 14 ans
Ce que Genk regarde en premier chez un gardien, ce ne sont pas ses mains mais sa tête. “On veut voir si le mental est là, précise Witters, arrivé au Racing en 2009 comme coach des gardiens pour la section U10-U12. On a besoin de garçons qui acceptent de faire des erreurs et qui ont le talent de comprendre. Après, on regarde évidemment aussi s’ils savent attraper une balle mais c’est loin d’être suffisant. Les qualités aux pieds ont aussi pris beaucoup d’importance. On veut des gardiens proactifs dans le jeu.”
Malgré ce qu’on pourrait croire en regardant Courtois (2m), Casteels (1m97) et Vandevoordt (1m92), la taille n’est pas un critère absolu dans la recherche. “Faire plus d’1m90, ça aide mais ça ne fait pas tout. Tu peux mesurer 1m82 et avoir toutes les qualités nécessaires pour devenir pro. On fait des tests osseux pour déterminer la taille à partir de 14 ans. Avant ça, la marge d’erreur est trop grande. Si on apprend qu’un garçon ne dépassera pas le mètre 80 mais qu’il est très bon, on le garde. Après, il est clair que la taille facilitera le boulot d’un gardien. Un plus petit devra être encore plus exceptionnel pour continuer à rester avec nous.”
Une fois les talents repérés, Genk travaille tous les aspects possibles, avec une académie de gardiens créée en plus du centre de formation classique. “Ce ne sont pas des entités indépendantes mais c’est quelque chose en plus. Cela permet d’avoir un travail spécifique et individualisé avec tous nos jeunes. Dans l’académie, j’ai six entraîneurs des gardiens.”
Certains parents ont parfois peur en voyant le nombre de talents au but mais ils ne seront mieux nulle part ailleurs.
Avec un gardien dans chaque équipe nationale chez les jeunes, Genk est paré. Peut-être même… un peu trop. La densité pourrait décourager ou bloquer certains garçons. “Mais on ne voit pas les choses comme ça, reprend Witters. Courtois et Casteels ont toujours joué ensemble. Ils se tiraient vers le haut. On a le cas actuellement avec Penders (18 ans) et Pieklak (17) chez nos U23. Tu joues parfois un peu moins à cause de ça mais le match ne représente qu’une petite partie du travail sur une semaine. Quand tu t’entraînes avec les meilleurs, tu progresses naturellement. Certains parents ont parfois peur en voyant le nombre de grands talents devant leur gamin mais il faut se dire qu’ils ne seront mieux nulle part ailleurs en Belgique.”
La fuite des talents qu’on observe chez les mineurs d’âge en Belgique, entre clubs du top ou vers l’étranger, n’existe d’ailleurs pas chez les gardiens genkois. “On ne perd pas nos jeunes, même si certains sont courtisés avant de signer un contrat pro. On n’offre pas des salaires fous mais on prend le temps de se poser et d’expliquer le projet qu’on a pour chaque keeper. Pour l’instant, ça convainc tout le monde.”
Genk est fier d’être devenu une référence chez les gardiens. Référence qui dépasse largement le cadre de nos frontières. “Quand on arrive avec la carte de visite “KRC Genk” pour parler à un jeune gardien ou à ses parents, ça marque directement. Tout le monde sait à quel point on essaie de bien travailler chez nous. On forme beaucoup de futurs professionnels. Parfois pour Genk, parfois pour d’autres clubs.”
24 millions palpés depuis 2009 avec les gardiens
Quand on lui dresse la liste des gardiens de Genk en équipe nationale de jeunes, Koen Witters n’a pas peur de se mouiller : “Ils deviendront tous pros, j’en suis certain. Dire à quel niveau précisément n’est pas possible mais ils ont déjà tout ce qu’il faut pour avoir un futur de footballeur. On est très heureux d’avoir un de nos éléments des U15 aux U21.”
La question brûle les lèvres : y a-t-il un futur Courtois dans le lot ? “On doit me poser la question plusieurs fois par mois, rigole Witters. Je ne sais pas si on ressortira un jour un gardien aussi fort que Thibaut. Ce qui est important, c’est de former régulièrement des bons gardiens. Des gardiens dont on voit qu’ils sont passés par notre école.”
La direction du Racing a d’ailleurs fixé un objectif ambitieux : sur les quatre gardiens du noyau A, en avoir au moins trois issus de l’académie. “Mais ça ne signifie pas que Genk ne devra plus jamais acheter un gardien ailleurs. Déjà parce qu’il faut savoir qu’on a deux équipes pros avec nos U23 et qu’il n’est pas simple d’avoir six-sept gardiens de nos jeunes en même temps. Et aussi parce qu’un portier venu de l’extérieur peut amener un truc différent. On est très content d’avoir Hendrik Van Crombrugge (NdlR : acheté 1,3 million à Anderlecht l’été passé). Il guide nos jeunes en proposant une autre vision et avec l’expérience du monde pro.”
Des achats que la direction peut se permettre. Depuis le départ de Bailly à Mönchengladbach en janvier 2009, Genk a touché 24 millions en vendant ses gardiens formés à l’académie.
À Anderlecht, on ne cherche plus d’excuse et on mise sur deux ados prometteurs
Davy Roef se sent souvent seul. Au 21e siècle, il est le seul gardien sorti de l’école anderlechtoise à avoir percé à haut niveau. Des garçons comme Silvio Proto et Bart Verbruggen sont arrivés très jeunes mais sans avoir été formés à Neerpede. Comment une académie si prolifique a-t-elle autant de mal à sortir des portiers ?
Longtemps, Anderlecht a répondu que la qualité de ses jeunes était la réponse principale. Les joueurs de champs étaient si bons que le gardien n’avait pas de boulot. Et donc ne progressait pas ou allait voir ailleurs. Une excuse qui ne tient évidemment pas puisque c’est à l’entraînement que les gamins travaillent le plus. La rencontre du week-end n’étant qu’une petite partie du job hebdomadaire.
Au RSCA, on est bien conscient du problème. Jean Kindermans avait le rêve de former un grand gardien mais il n’aurait pas réussi avant son départ à l’Antwerp. Ses successeurs espèrent y parvenir. Un travail plus spécifique a été mis en place ces dernières années, même s’il n’est pas aussi poussé qu’à Genk.
Timon Vanhoutte est une belle promesse mais son avenir à court terme est bouché alors qu’il a déjà 20 ans. Les espoirs se reposent plus sur Michel Haentjens (18 ans et dégoté à Lokeren en 2017) et Mattis Seghers (15 ans et arrivé de Ninove il y a trois saisons). Ces deux garçons concurrencent d’ailleurs les Genkois dans leur équipe nationale respective (U18 et U15).