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Ligue 2: Comment le public de Saint-Etienne pousse les Verts vers la montée dans la dernière ligne droite

Dans son duel à distance avec Angers (qui jouera à Annecy) pour la montée directe en Ligue 1, l’AS Saint-Etienne peut poser une option, en assurant un succès face à Rodez ce vendredi (20h45). Pour cela, les Stéphanois possèdent un atout hors norme accroché à leurs crampons : la ferveur verte revenue, comme en témoigne la série historique de cinq guichets fermés de rang. Geoffroy-Guichard retrouve ses atouts fumants et bruyants du chaudron, au meilleur moment.

Il suffit de se balader autour de Geoffroy-Guichard, un jour d’avant-match, où tout se dit. Et tout est dit. Car tout se lit sur les visages des fans, venus très souvent, très longtemps en avance, bien avant l’ouverture des portes une heure et demie avant le coup d’envoi : tous veulent en effet humer l’air et savourer ensemble ces instants de liesse naissante, deux ans après la descente dans le KO d’un dimanche 29 mai au soir. Et tous affichent des sourires XXL et des yeux pétillants : ils savent que si leurs protégés ne font pas tout bien, quatre-vingt-dix minutes durant, ils le font avec le cœur et en choeur.

"C’est forcément un plus d’avoir tout ce monde derrière nous, ça nous pousse à aller au bout de nous-mêmes"

Conséquence : "GG" - pour Geoffroy-Guichard - enchaîne les guichets fermés, cinq consécutifs depuis le 9 mars face à Auxerre – 36.277 spectateurs – et ce vendredi, le 10 mai 2024, avec la barre des 37.000 personnes présentes dépassées. "On est redevenu 'le' club que nous devons être, un club aimé de ses supporters et qui nous le rendent bien", savoure Yvan Maçon, le défenseur revenu en janvier, symbole du mercato d’hiver réussi comme Irvin Cardona, prêté par Ausbourg.

Décisif lors de 8 des 12 derniers matches par ses buts (8) ou ses passes décisives (3), l’ex-joueur d’Olivier Dall’Oglio à Brest confirme l’aide du "peuple vert". Il l’a senti face à Bordeaux : "Les supporteurs n’ont pas lâché jusqu’à la fin, le stade était en folie alors qu’on perdait 1-0 et qu’il restait dix minutes", se souvient-il. "C’est forcément un plus d’avoir tout ce monde derrière nous, ça nous pousse à aller au bout de nous-mêmes." Il aurait pu personnaliser la formule puisque c’est lui, par deux buts subtils, qui a inversé la tendance en deux temps : (1-1 à la 90e + 1, puis 2-1 à la 90e + 4).

Fan inconditionnel de "ses" verts, Joss Randall, auteur de chroniques régulières dites "du cowboy" sur un blog de supporters, résume : "Moi, durant tous ces matchs de la dernière ligne droite, j’ai l’impression que le stade joue un rôle considérable. A mes yeux, il a toute son importance. Moi, j’ai vu des joueurs "voler" sur la pelouse, que ce soit pour inverser un score face à Bordeaux ou résister au retour de Caen et Concarneau."

Qui, des résultats ou du soutien populaire, amène cette dernière ligne droite enthousiasmante et bruyante ?

Car oui, face à Concarneau, le 6 avril, 37.337 poitrines poussent fort. Idem contre Caen, trois semaines plus tard : 35.445 cœurs tiennent le coup, malgré une deuxième mi-temps poussive, où leurs protégés doivent leur salut d’un Gauthier Larsonneur, en gardien de but tentaculaire qui stoppe tout, jusqu’à ce tir à bout portant d’Alexandre Mendy, le meilleur buteur de la Ligue 2 pour enchaîner un 18ème clean-sheet en 31 matchs disputés, dont les 2/3 en 2024, dans la période de remontée des Verts ! La question se pose alors : qui, des résultats ou du soutien populaire, amène cette dernière ligne droite enthousiasmante et bruyante ? C’est un peu le débat de l’œuf ou de la poule même si un indice amène un début de réponse : la remontée débute le lundi 12 février. Ce soir-là face à Troyes (5-0), les Verts entament la série de 10 succès, deux nuls et d’une défaite à Ajaccio – soit autant de points engrangés (32) en 13 matches que lors des 23 précédents ! – qui les propulse à la 2ème place actuelle devant … 17.075 spectateurs !

Le match suivant, il n’y aura "que" 21.179 personnes au stade, malgré l’aspect "petit derby de Rhône-Alpes" face à Annecy (2-1), le 24 février. A cela une raison, le choix du club de purger un sursis de suspension pour une tribune, le Kop Nord, à la suite de l’usage de fumigènes. Sans cela, le stade aurait été plein, très certainement. Ce n’est donc qu’au suivant – face à Auxerre – que la série des guichets fermés nait puis s’amplifie : les derniers billets pour ce match face à Rodez se vendent en quelques minutes lors de leur remise en vente à … minuit !

"Nous n’étions pas invités au bal de la remontée, nous revenons de nulle part"

Mais pas question de prendre tout cela comme de la pression paralysante. D’où les deux atouts mis sur la table par Olivier Dall’Oglio. L’entraînement à J–2 au stade Geoffroy-Guichard, une habitude prise en ce printemps qu’il réitère à la veille de ce dernier rendez-vous en championnat régulier : "La première des volontés, c’est de prendre des repères et de se remettre dans les bons souvenirs", détaille le technicien même si cela se fait dans le huis clos (et donc le silence) du stade. Puis "ODO" abat sa deuxième carte, médiatique, là aussi répétée dans son point-presse à 48 heures du match où l’entraîneur stéphanois aime à en rappeler l’inattendue : "Il faut se souvenir d’où nous venons", explique-t-il régulièrement dans ces dernières sorties médiatiques. "Nous n’étions pas invités au bal (de la remontée, NDLR). Nous revenons de nulle part. Il faut mettre du positif dans cette période, même si notre dernière sortie à Guingamp ne l’est pas en terme comptable (l’ASSE menait 0-2 à la mi-temps avant de se faire reprendre à 2-2 au final). Il y a tout pour bien faire. Et nous avons notre destin entre nos mains. C’est énorme et positif, je le répète."

Car oui, les Verts reviennent du diable Vauvert, comme aimait à le dire Bernard Pivot, homme de lettres et de ballon disparu cette semaine, quand il évoquait le club de son cœur dans les périodes troublées : deux défaites initiales en août, puis le redressement et une place de dauphin au 1/3 du championnat fin octobre avant un mois de novembre noir qui coûte la place à Laurent Batlles, un soir de décembre après cinq défaites de suite et une chute libre jusqu’à la 10ème place, à 10 points des places directes pour la montée et cinq des barrages juste avant Noël ; puis vient le temps de la remontée en pente de plus en plus raide et accélérée avec le nouveau locataire du fauteuil d’entraîneur, Olivier Dall’Oglio, symbolisée par cet "alignement de planètes" dans des scenarii de funambules, au cours de trois succès en sept jours, du 20 au 27 avril – 2-1 face à Bordeaux, 0-2 à Grenoble et 1-0 face à Caen - qui place l’ASSE à 180 minutes d’une montée directe.

Balle de break pour les Verts

Il faut pour cela gagner faire "au pire", aussi bien qu’Angers, sans perdre l’avantage du goal average, sur les deux derniers matches puisque, si les deux formations possèdent le même nombre de points (64), les Verts dominent les Angevins au classement à la différence de buts générale (+18 contre + 13) et particulière (2-0 à l’aller le 30 octobre, 0-3 au retour le 17 février). Face à Rodez, pendant qu’Angers sera à Annecy qui fêtera devant son public son maintien, les Verts ont donc une balle de break au bout du pied. Même si la soirée ne règlera rien avant le dernier acte, une semaine plus tard, elle en esquissera l’épaisseur du suspens : en gardant, à l’issue de cette J37, son avantage, voire en l’accentuant, Saint-Etienne avancerait en grand favori pour la montée directe au matin du dernier déplacement à QRM, déjà relégué pendant qu’Angers devra, en affrontant Dunkerque, rester à l’écoute de ce match et espérer un faux pas adverse.

Certes, les deux adversaires sont assurés de finir 3e et possèderont donc une deuxième chance de rejoindre l’élite via le play-off (le 24 mai face au vainqueur de l’affrontement entre le 4ème et le 5ème) puis en passant par le barrage face au 16ème de Ligue 1 (30 mai et 2 juin). Une prolongation de saison qui n’est pas dans l’air du temps, alors que les Verts pourraient se contenter de "copier" ce que fait Angers : "Non, nous n’avons pas prévu de suivre le match d’Angers en direct, mais on sera dans un stade, il y aura des frémissements et l’information ira vite", croit savoir ODO. "Quoi qu’il en soit, notre idée principale est de gagner le match contre Rodez. C’est obligatoire. Il ne faut pas calculer, c’est un plan sur deux matchs. On se programme pour gagner les deux prochains. On est déterminés à finir deuxièmes."

Car Olivier Dall’Oglio le sait, comme tous à Saint-Etienne. Les barrages et autres matches couperets de fin de saison pour décider d’une descente ou d’une montée, l’ASSE n’en a que de mauvais souvenirs ! En 11 matchs des barrages disputés en 1934 jusqu’à ceux face à Auxerre en mai 2022, les Verts n’en ont gagné aucun. Et quand ils arrivent timidement à faire match nul, c’est à la séance de tirs au but (4-5 face à Auxerre) que tout se perd comme ce dimanche 29 mai 2022 à 21h48 pour mettre fin à 21 annnées de présence en Ligue 1… Deux ans plus tard, rarement le chemin le plus court – par la montée directe – n’aura été aussi proche pour faire mieux que lors du précédent passage en Ligue 2 qui avait duré trois longues saisons, de 2001 à 2004 !

Edward Jay